vendredi 26 avril 2013

Divers : Interview, un terme un souvenir


Sigamary Diarra s'est prêté à l'exercice : un terme-un souvenir. Où l’on réalise qu’une carrière se bâtit aussi (surtout) hors du terrain. Retrouvez les propos du malien ci-dessous.
Enfance
Le quartier [il a commencé le foot dans sa ville de naissance, Aulnay-sous-Bois, ndlr], les amis, l’insouciance… Tu joues par -5° C pendant deux heures sans te rendre compte qu’il fait froid ; tu tacles dans la neige et t’es content alors que maintenant, ça t’embête pour tes chaussures… Il y a les matchs informels et il y a ceux entre quartiers, où tu commences à voir émerger les mecs qui ont quelque chose en plus. A part moi, je ne me souviens pas d’un joueur ayant percé au niveau professionnel. Depuis, certains ont fait de la prison. Parmi eux, il y en avait qui avait autant de qualités que moi.

Club

J’aurai toujours une tendresse pour le premier club pro qui m’a accueilli quand j’avais 15 ans, le Stade Malherbe de Caen. J’ai découvert la province : les gars des villes à la campagne, c’est aussi ça, le foot [rires]. A Aulnay, la police et les îlotiers faisaient partie du décor ; à Caen, au bout d’une semaine, je n’avais toujours pas vu un policier ! C’est aussi à Caen que j’ai rencontré mon épouse, on avait 16 ans et on était dans la même classe. J’adorais l’histoire, et plus particulièrement la Seconde Guerre mondiale. Tout y est : la lâcheté collective et le courage individuel… Je trouvais incroyable qu’un seul homme [ Adolf Hitler ]ait pu à ce point influencer les masses. J’aimais aussi le fait que ça se termine bien : c’est l’humanisme qui l’emporte.»

Plaisir

La victoire, forcément. Et le dribble! Le dribble est un geste collectif. Chaque ballon perdu peut être mortel [si la formation opposée marque sur la contre-attaque, ndlr], même dans les 30 mètres adverses. Or, un dribbleur prend le risque de rendre le ballon à l’équipe d’en face. Tu tentes plus volontiers si tu sais qu’un partenaire te couvre : ainsi, le dribble est un geste collectif. Aussi dangereux que puisse être un dribble manqué pour ton équipe, il faut y aller : plutôt me faire sortir au prochain match parce que j’ai fait mon truc que me faire sortir parce que je n’ai rien fait du tout. Un grand jour, je peux réussir jusqu’à sept dribbles[Diarra est l’un des meilleurs joueurs de L1 dans cet exercice, ndlr]. La moyenne, c’est trois ou quatre. Si ces coups-là débouchaient à chaque fois sur un but, je ne jouerais pas à Ajaccio, mais au Barça.
Sélection nationale
J’ai reçu le premier coup de fil de la fédération malienne [ses parents sont Maliens de naissance, ndlr] en 2004. Je n’étais jamais allé là-bas. Mes parents ont d’abord été réticents : "Déjà tu es né à Paris, et puis penses aux Bleus, peut-être qu’un jour…" J’ai répondu oui quand même et au bout du compte, je pense que c’est une fierté pour eux de me voir avec ce maillot. En sélection, il y a un côté Olive et Tom, le dessin animé : les 23 meilleurs joueurs du pays, l’image à défendre… On t’explique que tout ce que tu feras de bien peut faire avancer le pays tout entier. Quand on préparait la dernière Coupe d’Afrique des nations, en janvier, il y en avait quelques-uns venus de clubs maliens. On voyait la guerre à travers eux.

Epreuves

La blessure, évidemment. Quand ça m’est arrivé à Lorient, certaines personnes au club m’ont lâché alors que j’étais en négociation pour prolonger mon contrat : c’est quand même un milieu où tu paies cher le fait d’être en position de faiblesse. Le foot a le mérite d’être le sport le plus populaire, je ne me plains pas, mais il faut savoir qu’un joueur professionnel n’est pas forcément un homme riche. Après, s’il faut assumer ça, c’est facile.

Business

Un joueur, c’est de la viande : on est quand même dans un milieu où tout le monde pense d’abord à l’argent. Quand ça va moins bien pour toi, on te serre la main du bout des doigts, tu n’accroches plus le regard du mec… L’extra-sportif parasite certains choix : on fait jouer untel pour justifier ou susciter un transfert, le sportif passe après. Sinon, ça fait quelques années qu’on sent que les clubs ont moins de moyens. Les présidents de club le disent tous : ils veulent des joueurs libres, quitte à prendre un risque plutôt que de payer une indemnité de transfert [ un joueur sous contrat est censément plus fiable qu’un joueur qui n’en a pas, ndlr].
Un personnage
Si je dois évoquer une personne déterminante pour moi, je choisis mon frère. Gosse, même quand personne ne voulait venir jouer au foot, il était là. Aujourd’hui, il est chef de rayon dans un hypermarché. C’est un compétiteur et il m’a inculqué cet esprit-là. On parle de tout, y compris de mes matchs : lui ne me brosse pas dans le sens du poil, et c’est très important pour moi. Mais au bout du compte, tu dois toujours t’écouter toi-même.

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